Le récent Conseil fédéral de la FNEEQ a permis aux délégués d’entendre une conférence de la psychologue et essayiste* Rachida Azdouz portant sur la notion de liberté d’expression en contexte académique. Madame Azdouz a commencé par un rappel de l’obligation juridique du droit à l’égalité sans discrimination. Elle a ensuite souligné que l’obligation d’accommodement est limitée par la notion de « contrainte excessive » et doit prendre en compte l’obligation, pour les étudiants et étudiantes, de suivre le programme pédagogique ministériel.
Selon la conférencière, il faut savoir tracer une ligne entre la non-discrimination, soit ne pas brimer des droits, et le simple fait de heurter des valeurs et des sensibilités, ce qui ne constitue pas une atteinte aux droits. Le ministère de l’Éducation balise d’ailleurs les demandes d’absence à un cours ou de contenus alternatifs. Pour obtenir une dérogation, il faut prouver que le contenu présenté en classe n’est pas neutre et qu’il causerait un tort psychologique à l’étudiant ou l’étudiante.
À cet égard, il faut distinguer « l’effet » de « l’intention »: des propos ou des contenus peuvent choquer en raison des sensibilités et du parcours personnel d’un étudiant, sans que l’enseignant en ait eu l’intention. Or, si la censure est à combattre, il faut également éviter le piège de l’autocensure, qui peut prendre la forme de stratégies d’évitement des sujets sensibles ou délicats. Les débats sociaux, même lorsqu’ils créent des polémiques, peuvent et doivent être abordés en classe. Il faut cependant être conscient des enjeux de la préparation préalable à ces débats que l’on prévoit corsés, et qui demandent parfois un effort difficile de gestion de classe.
Madame Azdouz a ensuite abordé les principaux éléments de la responsabilité pédagogique: diffuser des savoirs; ne pas endoctriner; aiguiser l’esprit critique, soit outiller les étudiants et étudiantes pour une critique rationnelle et, enfin, encourager l’aptitude à débattre tout en l’encadrant. Dans le cadre de cette responsabilité, les enseignants disposent d’une liberté académique qui est le prolongement de la liberté d’expression dans l’enseignement supérieur. Celle-ci doit toutefois reposer sur le professionnalisme et la rigueur. La liberté académique consiste notamment à pouvoir déterminer les savoirs abordés et décider des approches pédagogiques à utiliser. Elle offre aux enseignants la possibilité d’exercer un jugement critique sur la société, sur les institutions, les dogmes et les opinions.
D’ailleurs, la Loi sur l’instruction publique va dans le sens de ces responsabilités et libertés des enseignants en stipulant que, dans le cadre du programme pédagogique, ils peuvent choisir les modalités d’intervention et d’évaluation (article 19) et que leurs devoirs sont de contribuer à la formation intellectuelle et développer le respect des droits de la personne (article 22).
Enfin, madame Azdouz a conclu sur la nécessité d’un équilibre des droits, c’est-à-dire de concilier les droits des enseignants, les droits des étudiants, et les droits des étudiants et étudiantes entre eux.
Nicolas Saucier
Secrétaire général
*Mme Azdouz a récemment publié le livre Pas de chicane dans ma cabane : une invitation au dialogue et au débat public (Montréal, Edito, septembre 2019)