Le 8 février dernier, le Conseil central de Québec Chaudière-Appalaches (CCQCA) — le regroupement régional des syndicats affiliés à la CSN —, tenait une assemblée générale au cours de laquelle un panel sur la question de l’éducation a été présenté. Étaient invités Pierre Mercure (professeur, Cégep F-X.-Garneau), Stéphanie Demers (professeure, UQO) et Sylvain Marois (chargé de cours, UL et v.p. université, FNEEQ) avec la participation de Yves Fortin, secrétaire général du CCQCA. Voici quelques faits saillants de leurs propos sur cette question de société incontournable.
À qui appartient le réseau scolaire?
Pierre Mercure a rappelé que le Québec, dans les années 1960, s’est doté d’un système d’éducation moderne accessible à tous, dans la foulée du Rapport Parent, ce qui, alors, a mis un terme à une éducation réservée à l’élite. C’est ce qui a permis à un grand nombre de personnes socio-économiquement moins favorisées d’acquérir une éducation de qualité.
Actuellement, par qui et à quelle hauteur le réseau de l’éducation est-il financé? Le gouvernement, c’est-à-dire nous, constitue la principale source de financement à tous les paliers :
—école primaire et secondaire : 90 %
—école privée : 60 %
—Cégep : 88 %
—UL : 51 %
—Réseau UQ : 70 %
C’est donc la société civile qui est en grande partie « propriétaire » du système d’éducation : nous n’en sommes pas les « clients », comme tente de nous le faire croire une certaine idéologie néo-libérale. Le droit à l’éducation est un droit collectif que nous nous sommes donnés dans les années 1960. Chaque citoyen, citoyenne en est responsable et c’est à nous tous qu’il revient de décider de l’avenir du réseau que nous avons créé, de la maternelle à l’université.
Nous sommes les fiduciaires du système d’éducation
Stéphanie Demers a insisté sur le fait que l’éducation est un besoin individuel et collectif, qu’elle seule nous permet d’être des citoyens aptes à prendre des décisions éclairées, qu’elle s’adresse à toutes et à tous, peu importe les origines. Comme Pierre Mercure, elle insiste sur le fait que nous devons veiller à ce qu’elle devient et que nous sommes les fiduciaires de ce système.
Or, l’éducation est moins en moins un droit et de plus en plus un produit de consommation, les établissements d’enseignement se font de plus en plus concurrence (palmarès des écoles et universités : laquelle est meilleure?). Le règne de l’efficacité et une logique du rendement s’y implantent graduellement (ex. la méthode Lean, cibles de rendement). Pour les enseignantes et les enseignants, à tous les niveaux, il faut en faire plus avec moins. À l’école primaire, les mauvais résultats des enfants aux examens sont attribués aux enseignants, qui en prennent le blâme. Les cibles de rendement qui sont fixées sont détachées des autres facteurs permettant la réussite scolaire. Des méthodes pédagogiques sont imposées, ce qui entraine une érosion de l’autonomie professionnelle. Enseigner est devenu un travail stressant : 46% souffrent d’anxiété 60% éprouvent des symptômes d’épuisement.
La notion de performativité s’applique-t-elle à l’éducation? Fabrique-t-on des élèves instruits comme on fabrique des voitures? se demande Stéphanie Demers. Si l’éducation est un bien commun, c’est à nous de décider ce que nous en ferons. Notre monde change : devient-il celui que nous voulons?
Ensuite, Sylvain Marois nous a rappelé les évènements ayant mené à l’idée de convoquer des États généraux sur l’éducation, une idée qui a fait son chemin depuis 2012 : la grève étudiante et les carrés rouges, l’insatisfaction du milieu enseignant après le Sommet sur l’enseignement supérieur de 2013, évènement qui a conduit à l’organisation par la FNEEQ d’un Forum sur les enseignants universitaires contractuels (« Faire tomber les mythes ») en 2014, à une Soirée sur l’enseignement supérieur à Montréal en 2015, à l’organisation d’un Espace éducation au Forum social mondial de 2016 et, finalement, la convocation d’une première réunion des États généraux sur l’enseignement supérieur à l’Université Laval en mai 2017, organisée par une coalition représentant plusieurs acteurs du milieu de l’éducation. D’autres États généraux sont actuellement en préparation, dont le but est d’affirmer notre vision de l’éducation au niveau politique avant les prochaines élections provinciales de l’automne 2018.
Yves Fortin a résumé le travail réalisé au plan régional : rencontre avec des syndicats de l’enseignement, planification d’une autre rencontre en mars pour préparer une déclaration de principe qui sera mise en circulation, rencontres avec les conseillers municipaux.
Faire de l’éducation notre projet collectif devient un enjeu de plus en plus discuté.
Anne Beauchemin
Vice-présidente aux communications